dimanche 12 avril 2009
1,75$
J'attendais que le cycle de la sécheuse finisse. Je suis obligé d'aller à la buanderie, mais c'est quelque chose que j'aime faire. C'est cinquante-sept minutes qui m'obligent à arrêter. Regarder les gens aller et venir. Toutes sortes de gens. Les observer dans les moments figés, ceux des allers-retours des poches de linges, des grandes brassées, et des chasse-taches.
Il y a quelque chose de spécial avec les buanderies. Une sorte d'aura que leur a donnée le cinéma romantique, celui des rencontres fantasmagoriques de deux êtres esseulés prêts à tomber en amour d'un simple regard entre deux pliages de petite culotte, pris dans un tourbillon de bruits répétitifs telle une métaphore sexuelle peu subtile d'un coït intense et bruyant.
Une blonde, sortie fraîchement du Plateau, dépose son sac près de moi, avec ses lunettes de soleil encore sur les yeux, comme une artiste désinvolte d'un film de Woody Allen. Les reflets des néons trop bleus font briller ses cheveux d'ange, et son jeans épouse ses formes presque perversement. Elle me lance un regard, juste pendant une seconde, comme une invitation déguisée, un défi lancé au hasard.
Toutes les machines tournent, mais nous sommes seuls. Je ne veux pas bouger, de peur de gâcher la tension qui s'installe, prête à s'effondrer au moindre faux pas. Elle s'asseoit, ouvre un livre, puis expire profondément. Je peux sentir son haleine de fruits, et son bras nu qui frôle maintenant ma cuisse. Tout est à l'accéléré, et j'oublie au fur et à mesure. Le battement de mon coeur résonne vite et fort dans mes oreilles, et il remplace le bruit du métal qui tourne. J'ai chaud. Elle replace une mèche de cheveux derrière son oreille, geste parfait, moment parfait.
Elle se tourne, et me fixe. Je dois absolument me tourner, ça se fait tout seul. Du bleu dans du bleu. Ses yeux brillent, et elle sourit nerveusement. Elle s'approche, le souffle court, hésitante, se mord les lèvres. Puis elle m'embrasse. Un baiser chaud et mouillé. Elle s'appuie sur mon cou pour me retenir sur sa bouche. Elle goûte les mûres.
J'ouvre les yeux. Je ferme mon livre, ramasse mon linge, et j'essaie de cacher cette bosse dans mon pantalon en quittant la buanderie, vide.
mardi 7 avril 2009
Bouges pu l'antenne
En fait, j'adore la télé. La bonne télé surtout. Et je ne peux pas m’en passer.
De l’air calme et ironique de Martha Stewart dans son émission de cuisine jusqu'à la voix grave et vibrante de Pierre Lebeau dans les annonces de La Cage aux Sports, j'aime me faire divertir. Qu'on me fasse oublier. Qu'on fasse sortir en moi le côté critique inutile à la Hugo Dumas.
J’aime regarder une série télé en rafale durant toute une journée, et j’adore regarder une émission de table ronde et faire comme si j’en faisais partie. J’aime aussi voir une bonne pub, francophone, bien faite, et avec un bon concept. Et il n’y a rien comme rire des émissions d’astrologie et de ligne érotique à 4h00 du matin en boxers en buvant une bière.
La télé est essentielle, et jamais rien ne pourra la remplacer, même pas l’Internet. Jamais une famille ne se rassemblera autour d’un ordinateur pour regarder une émission le dimanche soir. Une télévision, c’est un membre de la communauté à part entière. Ça respire. C’est vivant. Ça réconforte et ça nous fait sentir moins seul. C’est toujours là tant qu’il y a du courant. Peu importe ce qui se passe, y’a toujours quelqu’un qui nous parle.
J’ai appris presque la moitié de ce que je sais grâce à la télévision. Peut-être même plus. Et je suis contre l’idée de mettre en ligne les épisodes d’une série, comme le fait présentement la télévision d’État. Mettre ce qui est destiné à la télévision sur un support tel que l’Internet brise tout ce que la télévision a construit depuis qu’elle existe. Cela implique que l’auditoire peut voir sa télésérie favorite n’importe quand, n’importe où, et dans n’importe quelle condition. Et non, ce n’est pas la même chose que les séries sur DVD. L’Internet, c’est beaucoup moins personnel. C’est aussi froid que la masturbation.
Je me souviens encore de la merveilleuse époque où toute les familles attendaient le jour où le nouvel épisode de La Petite Vie passait en onde. Plus de 3 millions de personnes étaient rivées à leurs écrans et regardaient religieusement le plus grand phénomène de société de l’histoire comtemporaine du Québec (à l’exception peut-être du référendum et du flashage de lumière avec Jean-Marc Parent). Tout le monde est même capable de se souvenir que Les Gâteaux Vachon étaient les commanditaires. Et je revois encore les discussions qu’on avait durant les pauses publicitaires sur les gags de Meunier, et pareil dans la cour d’école le lendemain. On avait juste hâte au prochain épisode, et on en parlait toute la semaine.
Et c’est pour ça que la télévision est beaucoup plus qu’un divertissement. Elle nous rassemblait en tant que société et tant que peuple. Elle faisait partie de notre mode de vie, et pour le mieux.