J'étais assis face au soleil, et je lisais le nouveau roman de Stéphane Dompierre, Morlante. Une oeuvre comme on en attend de lui; crue, violente, et très explicite. Bref, je l'ai dévoré.
J'attendais que le cycle de la sécheuse finisse. Je suis obligé d'aller à la buanderie, mais c'est quelque chose que j'aime faire. C'est cinquante-sept minutes qui m'obligent à arrêter. Regarder les gens aller et venir. Toutes sortes de gens. Les observer dans les moments figés, ceux des allers-retours des poches de linges, des grandes brassées, et des chasse-taches.
Il y a quelque chose de spécial avec les buanderies. Une sorte d'aura que leur a donnée le cinéma romantique, celui des rencontres fantasmagoriques de deux êtres esseulés prêts à tomber en amour d'un simple regard entre deux pliages de petite culotte, pris dans un tourbillon de bruits répétitifs telle une métaphore sexuelle peu subtile d'un coït intense et bruyant.
Une blonde, sortie fraîchement du Plateau, dépose son sac près de moi, avec ses lunettes de soleil encore sur les yeux, comme une artiste désinvolte d'un film de Woody Allen. Les reflets des néons trop bleus font briller ses cheveux d'ange, et son jeans épouse ses formes presque perversement. Elle me lance un regard, juste pendant une seconde, comme une invitation déguisée, un défi lancé au hasard.
Toutes les machines tournent, mais nous sommes seuls. Je ne veux pas bouger, de peur de gâcher la tension qui s'installe, prête à s'effondrer au moindre faux pas. Elle s'asseoit, ouvre un livre, puis expire profondément. Je peux sentir son haleine de fruits, et son bras nu qui frôle maintenant ma cuisse. Tout est à l'accéléré, et j'oublie au fur et à mesure. Le battement de mon coeur résonne vite et fort dans mes oreilles, et il remplace le bruit du métal qui tourne. J'ai chaud. Elle replace une mèche de cheveux derrière son oreille, geste parfait, moment parfait.
Elle se tourne, et me fixe. Je dois absolument me tourner, ça se fait tout seul. Du bleu dans du bleu. Ses yeux brillent, et elle sourit nerveusement. Elle s'approche, le souffle court, hésitante, se mord les lèvres. Puis elle m'embrasse. Un baiser chaud et mouillé. Elle s'appuie sur mon cou pour me retenir sur sa bouche. Elle goûte les mûres.
J'ouvre les yeux. Je ferme mon livre, ramasse mon linge, et j'essaie de cacher cette bosse dans mon pantalon en quittant la buanderie, vide.
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