vendredi 9 juillet 2010

Tu as de belles jambes.

Je n'aime pas vraiment les gens. Et ils me le rendent bien. J'ai donc ce que je mérite, la plupart du temps. Mais parfois, c'est du hasard. Et je crois pas vraiment au hasard.

J'étais au parc, assis près du lac-étang, en train de faire semblant de lire, du Jardin bien sûr, pour faire romantique. Toujours est-il que j'observe, et je m'aventure parfois même à jeter des regards, qui sont bien sûr à sens unique, tout en tournant une page de temps à autre. Une fille vient s'asseoir près de moi. Les cheveux longs, pâles, et naturels, le teint beige, presque rose, les cuisses douces au regard. J'ose penser qu'elle m'a remarqué, moi et mon bouquin, et mon air mystérieux de celui qui connaît le coin, qui vient toujours lire, le soir, sur le bord du lac-étang, parce que ça le relaxe, et qu'il a besoin de penser à des choses. Des choses dont je suis le seul à penser, ce qui fait de moi une personne unique (même si tout le monde reste unique), mais je veux dire vraiment unique, et qu'elle saurait me découvrir peu à peu dans un tourbillon d'amour qui nous emporterait en lyrisme descriptible que par nous et nous seuls, âmes soeurs de regards et de mains sur le bas du dos, jusqu'en haut en appuyant de chaque côté de la colonne, pour la faire frissonner, et finir par ses hanches, du bout des doigts, pour la préparer à la gourmandise égoïste et violente de mes mains...

Bref, je pensais qu'elle venait me rendre mon regard, mais je me trompais. Elle venait simplement lire près de l'endroit que j'avais pris tant de temps à choisir, qui était donc le meilleur.

Peu de temps après les convenances d'inconnus à proximité, un gars, pas bien plus vieux, peut-être un peu plus grand, mais sans plus, commence à parler à cette fille. Comme s'il la connaissait. Sans tout entendre, j'essaie de tendre l'oreille, pour voir, pour peut-être même apprendre.

Au ton, je sens une réticence de la fille, comme si elle ne voulait pas se faire aborder, et qu'elle voulait continuer à lire son putain de livre, surtout qu'elle avait réussi à être à l'aise, avec cette proximité d'inconnus, comme une petite famille temporaire, régie par des règles invisibles. Ce gars venait de briser cet équilibre qui prend quand même du temps à s'établir, et elle aurait à tout recommencer, lorsqu'il se déciderait finalement à partir. Moi, en tout cas, ça m'inquiétait.

Plus j'écoutais, et plus je tournais les pages de mon livre rapidement. J'étais prêt. Prêt à réagir en cas de détresse. Prêt à tout pour ma voisine de terrain, cette personne qui était devenue ma coéquipière de la soirée. Sans le savoir, nous nous étions juré fidélité, et avions promis de nous protéger quoi qu'il arrive, puisque nous avions au moins un point en commun (ce qui est presque incroyable de nos jours); venir lire assis en indien le soir près du lac-étang.

Lorsqu'il s'est décidé à partir, j'ai vu. L'échange de papiers à été bref, mais il a eu lieu. Elle venait de rompre, avec moi. Cette si belle relation que nous avions bâtie, ensemble, près de l'eau, presque sans soleil, les pages que nous tournions parfois en même temps, ce seul mais combien important sourire, lorsqu'elle s'assit et que je lui indiquai par un bref signe de tête que nous passerions la soirée ensemble, tout près l'un de l'autre, à lire, tout simplement, tout ça, elle l'avait jeté, craché. Elle m'avait trompé avec un autre, un autre qui ne lit même pas sur le bord du lac-étang, un autre qui ne connaît probablement rien à Jardin, un autre qui n'a pas pensé une minute que je tenais à cette fille, et qu'elle était à moi, pour la soirée.

Je suis parti, quelque part dans les instants qui suivirent, avec mon livre, et mes sourires. Elle est restée, seule, et elle s'est mariée, quelques mois plus tard.

1 commentaire:

Carole a dit…

S'il y avait le piton "j'aime" comme sur Facebook, je cliquerais dessus... :)