vendredi 16 avril 2010

Les sentinelles

Nous étions plus jeunes à l'époque. Encore saoulés par l'amour des premiers jours, des nuits blanches de découvertes et de langues, des poèmes insensés sur les parties du corps et des phrases dites sans raison.

C'était la première fois que je t'avais donné rendez-vous. Nous nous étions vus souvent, avant cette soirée, mais il y avait toujours eu ce quelque chose de plus formel, une barrière de concessions et de convenances. Mais ce rendez-vous était spécial, tu avais dit oui sans hésiter, en offrant tout de suite d'apporter la bouteille, tu m'avais laisser choisir le resto, et tu avais pris congé le lendemain, pour en profiter que tu disais.

C'était en août, et le temps était encore relativement doux. C'était une soirée noire, sec et chaude. Tu es arrivé avec une petite robe rouge et blanche retenue par deux minces bretelles, déposées sur les fines courbes descendantes près de tes épaules, celle de droite cachant un grain de beauté, accentuant le désir que j'avais de cacher mon souffle dans le creux de ta nuque, puis derrière l'oreille, te faire soupirer de frissons. La robe laissait paraître ton dos, rose, que j'imaginais déjà couvrir de baisers et de mots, jusqu'au matin, dans une chambre inconnue, toute en blanc et en couvertures, coupé de tout, où seule l'orangé pourrait nous sortir de cette dimension, ni vivants ni morts.

Tes yeux brillaient, et en souriant, tu avais cette petite ligne près des yeux qui prouvait que ce rire était sincère, et fébrile aussi. Tu m'as embrassé sur la joue, en prenant mon bras, tellement doucement que mes jambes ont fléchis. Mais tu avais cet espèce de voile, ce questionnement, que je n'arrivais pas à cerner, pour l'instant.

Nous étions sur le pavé, rue Duluth, et les lanternes faisaient miroiter le jaune et le rouge dans tes pupilles. Avant d'entrer dans le restaurant, tu m'as pris la main pour m'arrêter. Tu m'as légèrement tirer vers toi, pour que je me retourne, et tu t'es avancé, très lentement. Ta robe rebondissait presque sur ta poitrine qui retenait un cœur que je sentais complètement affolé. Ton souffle réchauffait mes lèvres sèches. Tu n'as pas détourné ton regard de mes yeux une seule fois, et tu t'es encore approché. Je sentais sur moi la pointe de tes seins, tu étais chaude, mais tu frissonnais, et tout s'est enveloppé autour de nous. J'ai déposé ma main sur ta hanche, pour te coller sur moi, pour t'inviter. Tout s'est évanoui.

Puis tu m'as embrassé.

Très doucement, juste en déposant tes lèvres. Tes doigts sur ma nuque, tu me retenais, comme si tu avais peur de perdre ce moment, que les oiseaux s'envolent. Je te serrais contre moi, pour te rassurer, pour attendre l'automne, avec toi.

Avec ton autre main, tu rapprochais ton sexe de ma cuisse, déjà vibrant de demandes et d'inconnu. Et en collant tes lèvres sur mon oreille, en murmurant, tu m'as demandé de t'emmener. Je t'ai regardé, pour te sourire, puis nous sommes partis, les mains ensemble.

Cette nuit-là, au delà des bruits et des sentinelles, les échos de nos cris et les regards ont réduis à néant le reste de nos jours, à présent inutiles.

1 commentaire:

Carole a dit…

J'adore !!