dimanche 28 décembre 2008

La grande promenade

Il n'y avait aucun bruit. Seul la vague qui venait chatouiller les rochers parraissait vouloir exister. Elle revenait sans arrêt me poser des questions, ou plutôt une question, toujours la même. Elle voulait savoir pourquoi tout ce silence. Elle s'inquiétait.

Même s'il ne parlait pas, j'avais l'impression que jamais un homme n'avait été aussi bruyant. Son regard se multipliait, et il remplissait la pièce, jusqu'alors trop petite pour contenir sa présence. J'imaginais que sa maison avait un grand respect pour cet homme, comme son maître, son protecteur. Lui qui avait mis son sang et sa sueur sur ses poutres et ses entrailles, chaudes et jaunes jusqu'à la terre. Lui qui l'avait réchauffée dans les plus froides nuits d'hiver. Il lui avait prêté tout son savoir, ses souvenirs. Elle lui laissait maintenant toute la place, et le soutenait dans ses derniers efforts, sa dernière promenade, plus lente qu'à l'habitude. Et son respect témoignait du fait qu'elle avait compris.

Même si sa mémoire lui jouait des tours, il savait très bien saisir l'ampleur du moment, où un mot aurait été plus vide de sens que la mort elle-même. Seul le craquement de la chaise qui se balançait, elle qui le connaissait si bien, calmait et apaisait ma peine et mon grand désarroi. J'étais assis là, respirant difficilement, cherchant à faire le moins de bruit possible. Le temps que nous passions ensemble effaçait absolument tout, tout ce qui avait été dit, ce qui avait été ri, et pleuré. Seul ce moment comptait.

Je regardais ses rides, ses yeux, brillants, qui cherchaient la lumière, encore émerveillés par les nuages, et son subtil sourire, calme, comme une chanson fredonnée. Ses mains croisées trahissaient son savoir, posées sur son genou comme une lettre d'adieu. Ses gestes, aussi anodins soient-ils, m'impressionnaient, comme s'ils étaient des oeuvres à part entière, figées à jamais dans ma mémoire, comme un tableau qui pose des questions, sans cesse interprété de différentes manières. Lui qui n'avait été qu'un spectateur toute sa vie se faisait regarder pour la première fois, mais cela faisait qu'il n'en était que plus fier.

Il posa son regard sur moi, puis ferma les yeux en souriant. Et le craquement arrêta.

Au revoir grand-papa.

vendredi 26 décembre 2008

Matin de juin

Elle me réveilla avec sa langue. Ses yeux savaient déjà où ils s'en allaient. Je les guidait sans qu'ils s'en aperçoivent, laissant le doute embellir, laissant la chance la gagner de frissons, de sourires. Le soleil était à son plus haut, et il ne faiblissait pas. Ses rayons faisaient miroîter la sueur sur nos visages, sur son ventre.

L'intérieur de ses cuisses était si doux, si fragile, il me semblait précaire, prêt à s'effronder, à tomber dans le vide du désespoir, du non-sens, et à tout oublier. Sans foi ni loi. Juste pour dire qu'elle l'a vécu, durant quelques secondes, puis en parler comme d'une merveille, qui n'arrive qu'une fois. Avoir une fois ce sentiment, mais l'oublier tellement vite qu'il disparaît et se fait désirer aussitôt. Ses yeux savaient crier, et les lignes de blanc qui se dessinaient n'avaient rien de durable, si ce n'est le rire que cela allait provoquer.

mardi 9 décembre 2008

Vers le large

Je la sentais vivre au bout de mes doigts. Ses frissons résonnaient jusqu'à la rivière. Elle me tenait fermement, pour être certaine de puiser toutes les forces qui me restaient, de faire s'échapper la dernière goutte de plaisir. L'air chaud de la terre enveloppait ses fesses, appuyées contre l'écorce. La sueur coulait dans mes yeux, embués par les regards bleus.

Lorsque je me réveilla le lendemain matin, dans mon lit, elle me chevauchait, les yeux encore épuisés, faisant poursuivre mon rêve de douceur, pensant au monde imaginaire du ralenti, encore plus doux qu'à l'habitude.

Elle dormait sur le divan, se préparant à manger sa proie. Je regardais les arbres, qui se balançaient sur le vent, semblant demander leur chemin vers d'autres lieux, voulant s'envoler et revenir au début du cycle, sans souvenir et sans regard, juste pour avoir la surprise de vouloir apprendre, juste pour dire les mots dont l'on ne se lasse pas, pour faire les gestes inconscients, pour oublier le temps, et mourir sans arrêt.

Je ne la connaissais pas vraiment. Je savais à peine son nom. Mais l'emprise qu'elle avait sur moi m'effaçait petit à petit. Lorsqu'elle s'approchait de moi, je ressentais une profonde peur, un grand vide, sans air, figé dans le temps et dans le noir. Comme des années écoulées, comme des qualités oubliées. Ses yeux en savaient beaucoup. Si j'avais su qu'elle était si belle, je me serais jeté dans le ravin bien avant. Tu me manques, et je te hais.

samedi 6 décembre 2008

Défi

C'était il y a de cela très longtemps.

Ça devait faire deux mois. On faisait l'amour à tous les jours, parfois le matin. C'est tout ce qu'on espérait. C'est tout ce qu'on voulait. On se regardait, en s'embrassait à pleine bouche, les yeux remplis de lueur, et la langue amoureuse. Elle riait, elle jouissait fort, intensément, et elle disait qu'elle n'avait jamais autant aimé quelqu'un. Que personne auparavant ne l'avait comprise aussi profondément, ne l'avait regardait de cette façon.

Sa façon de dire les choses me fascinait. J'avais cette bizarre impression qu'elle était réellement en amour avec moi. Que ses attentions particulières avaient véritablement pour but de me rendre heureux.

Un matin que nous jouissâmes à l'unisson, elle me regarda, encore quelque peu sur l'orgasme, et elle dit, de tout son coeur, qu'elle serait prête à faire n'importe quoi pour moi. Je me retirai, et je la regardai pendant plusieurs secondes, cherchant le moindre mensonge, la moindre hésitation. Mais tout était vrai. Ses yeux étaient intactes, et cela me faisait peur. C'est là que tout a commencé.

À partir de ce moment, plus rien n'a été pareil. Même si je lui répétait que ce qu'elle disait était utopique, sans fondement sensé, propre aux rêves, elle continuait de répéter qu'elle ferait n'importe quoi. Vraiment? Vraiment. Moi aussi, j'aurais fait n'importe quoi, c'était évident, mais jamais je n'aurais pensé que cela irait aussi loin.

Je prenais plaisir à la faire souffrir. Je lui faisait seulement vivre les conséquences de ses paroles. Étant donné qu'elle était prête à tout, je lui dit pour commencer que se faire baiser par mes amis serait une preuve d'amour exceptionnelle, et qu'à mes yeux, elle serait la femme la plus aimante que je connaisse. Bien sûr, elle n'hésita pas un seul instant. Je dus admettre que la rigueur avec laquelle elle remplissait mes ordres était impressionnante.

Lorsqu'elle eût couché avec tous mes amis et qu'elle eût même déviergé mon jeune frère de 16 ans, je savais en regardant ses yeux qu'elle attendait de moi rien de moins que la même rigueur dont elle faisait preuve dans sa déclaration de l'amour qu'elle me portait. Je fus donc obligé de la prendre en levrette, lors des funérailles de mère, en arrière du buffet. J'étais assez fier de moi, et je pouvais voir dans ses yeux toute la fierté qu'elle portait à mon égard, émue d'avoir un homme sensible, et aimant.

Les choses se corsaient. Jusqu'où irions-nous? Quelles limites serions-nous capable de franchir? L'inconnu nous excitait, augmentait la ferveur avec laquelle nous nous lancions des défis. Notre amour ne cessait de grandir, de devenir plus fort, au fur et à mesure que nous marchions ensemble, dans la même direction.

Le jour où je lui ai demandé de se tuer a été un des plus beau jour que nous avons passé ensemble. Sa façon de me regarder, les larmes de joie coulant sur sa joue, son sourire, au moment même où elle lâcha la rampe du pont, ses yeux, si brillants et si clairs, sa bouche m'envoyant un dernier baiser, c'était là tout ce que je pouvais espérer de l'amour. Une femme qui m'aime, à la folie.

Chaque fois que je vais la visiter, j'y dépose des fleurs et un de mes doigts, pour m'excuser d'avoir été le moins amoureux des deux.

vendredi 28 novembre 2008

Appelle-moi

Se retrouver dans ses bras.

Juste un instant, s'échapper de la bouche des morts, sortir du front, respirer, et pouvoir dire qui l'on est. Avoir le courage de reculer. Embrasser l'inutile, et se laisser faire du mieux que l'on peut.

Reconnaître ses alliés, sourires communs. Se laisser prendre au jeu, puis se faire prendre, et tout perdre.

Renoncer aux plus grands honneurs, et sourire, en sachant le secret, le mystère. Sourire en cachant tout ce qu'une seule voudra voir. Entendre les rires, les souvenirs, mais les oublier, au profit de l'inconnu, et des yeux noirs. En voyant ce qui nous attend, apprivoiser ce que l'on a du mal à comprendre.

En espérant que les draps se soudent, mais en rêvant qu'ils brûlent. Salis par le jour, chaque jour, puis surpris par la nuit. La nuit la plus longue, et la plus claire.

Juste sentir son parfum de mûres, toucher ses seins parfaits, sa peau, douce, et être le seul à la comprendre. Être entre ses jambes, et glisser sa langue. La faire jouir, puis partir.

samedi 22 novembre 2008

L'île du survivant

J'étais le dernier, nageant encore près du navire qui s'enfonçait de plus en plus. On ne pouvait maintenant distinguer qu'une épave renversée, prenant son dernier souffle avant de sombrer.

Tous mes coéquipiers avaient quittés depuis un temps, et ils nageaient maintenant vers une île dont je ne connaissais le nom. Pourtant, j'aurais aimé.

Je nageais du plus fort que je pouvais, mais je ne réussissais pas à les rattraper. J'étais à tous les coups rabattu par une vague. Mais même si je voulais, l'île ne voulait pas de moi. Elle m'était hostile. Les palmiers et le sable ne voulaient pas me goûter.

Je les regardais au loin, tout sourire, m'envoyant la main, confiants. Il me semblait qu'ils riaient de moi, pris au piège dans mon immense trou, profond et froid, loin des regards, loin des étreintes, seul.

Mais je savais l'origine de cette eau, de cette vague qui nous avait tous avalés, mais qui n'avait recraché que moi. 

Ce navire que tous avaient quittés avait maintenant quelque chose de risible. Mais la gravité n'avait d'égal que le ridicule. Car j'allais maintenant dormir avec les poissons, incrédule, et mort.

samedi 15 novembre 2008

Nuit d'été

Il faisait si chaud.
Il faisait noir depuis deux heures au moins, et le bruit de l'eau enveloppait tout.

Nous étions assis depuis un bon moment, côte à côte, sans parler. Ce moment de silence était volontaire, comme un défi lancé à chacun. Comme une promesse de dépasser la limite du non-retour ensemble. De franchir la barrière délibéremment.

Sa main était sur ma cuisse. La chaleur mêlée au vent l'avait figée. La corde qui retenait sa camisole en place risquait de tomber à tout moment, fragilement retenue par la sueur de son épaule. Quelques mèches s'obstinaient sur son front, cachant le noir. Elles retombaient aussitôt qu'elle les replaçait derrière son oreille.

Ses yeux semblaient former un puit. Elle détacha mon pantalon, et glissa sa main. Ses yeux s'obscurcissent, et la corde de la camisole abandonna.

Elle vînt s'asseoir sur moi, et pris ma nuque dans ses mains, froides. Et elle m'embrassa, sensuellement, perversement. Sa langue me faisait mal, elle me buvait. Elle me tuait. Après un temps, elle s'enfonça.

Ses cuisses, douces et chaudes, se serraient contre mon dos. Elles glissaient sur la sueur. Le sexe sentait fort. Son désir en voulait plus. Elle me criait de lui faire mal. Elle voulait crier. Se saouler à mort. Se prendre pour une cocaïnomane. Crier et fermer les yeux. Se prendre pour un souvenir, penser au passé, sourire au présent, mais résister.

Elle m'embrasse par coups, elle veut gémir, mais je lui en empêche. Elle veut frapper, mais je la retient. Elle est soumise par je ne sais quoi, par elle sans doute.

Si on ferme les yeux, on est mort. On est vide. Elle est vide. Elle tue le moment. Elle brise la pellicule. Elle interrompt la musique.

Elle pense aux images multicolores, aux paysages qui n'arrivent qu'une fois, qu'une seconde. Ses mains en veulent plus, son va-et-vient n'en vient pas à bout, fatiguer de faire semblant, content d'avoir commencé, mais heureux d'avoir fini.

Elle me regardait comme une enfant malhonnête, se cachant de son propre rêve. Nos ventres étaient soudés, comme deux briques. Elle s'appuyait sur moi.

L'écho de ses cris revenaient en témoins. La lune projetait sur elle un voile, invisible.

Puis la forêt se réveilla, sans jamais avoir dormi pour autant.

mardi 4 novembre 2008

Nuit d'hiver

Elle portait un long manteau qui lui arrivait aux chevilles. Les quelques gouttes qui étaient restées collées à la pointe de ses cheveux tombaient lentement sur le tapis qui les absorbait d'un coup. Ses mains semblaient gelées, rougies par la neige qui fondait au contact de la peau.

Il faisait noir depuis longtemps, et le seul bruit que l'on entendait provenait du camion qui ramassait la neige, quelques rues plus loin. Les flocons qui tombait semblaient absorber le temps, rendant le son sourd et flou.

Elle n'alluma pas la lumière tout de suite. Le lampadaire de la rue éclairait le côté de son visage et lui donnait une couleur jaune, dorée, presque irréelle. Elle retira lentement son manteau, sans me quitter des yeux.

Un infime bourdonnement sonnait dans mes oreilles, égalisant les bruits éparts. Comme elle s'approchait, j'enlevai ma tuques, laissant apparaître mes cheveux, mouillés et entremêlés par le froid. Elle glissa sa main, puis sur mon oreille, comme pour la réchauffer. La laine de son chandail dégageait une chaleur douce, qui me fit soupirer.

La maison était toujours plongée dans le noir, dans un fascinant et bruyant silence. Toutes les discussions semblaient être inutiles. Seuls nos respirations, de plus en plus rapide, enveloppaient la chaleur. Elles devenaient notre langage par sa vitesse, augmentant la tension.

Ses yeux en amandes avaient de grandes questions. L'immensité du ciel noir qui se dessinait m'envahit d'un grand vertige, presque jouissif. Le coin du ciel replié, elle montrait son sourire.

Les métronomes concordaient, le tempo était unique. Le sang remontait plus vite, il semblait perdu. Mes yeux devenaient vitreux, flous, ayant peine à le croire.

Son souffle devenait le mien, la chaleur de son ventre et de ses seins se rapprochait de mon torse froid et vierge. Les frissons éclatèrent de partout, brisant la cohésion de ma peau. La douceur qui s'échangeait portait sur elle un parfum de mûres. L'étreinte restait sensible, à l'écoute. Le parfum devenait plus intense, et les odeurs se mélangeait, ne se distinguaient plus.

Elle me donna le premier baiser, sur mon cou, et les anneaux de la collision se répandirent jusqu'à mon sexe, faisant éclater la mince et fragile barrière de la retenue.

Nos bouches se trouvèrent en peu temps. Sa langue rude et chaude cherchait le moindre frisson, la moindre émotion, mais il y en avait trop. Mes mains prenaient tout son corps, je me l'accaparait. Je lui prenait tout, et elle me le donnait. Sa pupille brillait sur mon oeil, le sourire déjà fatigué.

Ma bouche se promenait sur son corps. Je goûtais au plaisir, aux frissons, aux larmes. Nous réveillâmes le silence. Elle prit mon corps dans sa main, dans sa tête, et le noya. Je n'avais plus aucun contrôle sur ma pensée, sur mes actes. J'étais en transe. Dans un autre monde.

Elle enlevait le poids de mon corps. Je flottais sur elle, et elle flottait sur moi. À l'intérieur, le plaisir grondonnait, s'ouvrait.

Elle aspirait ma langue en me regardant avec ses grands yeux bleus, prête à mourir pour ce moment. Elle respirait si fort que le toit s'incurvait. J'avais entre mes mains ses fesses, puis son dos, lisse. Nous haletions comme des animaux en manque de sang. Sa sueur coulait sur mon front. Elle me consumait, me buvait. M'emmenait là où elle allait, où elle voulait aller. Et le tic tac arrêta, net.

Puis nous mourûmes. Tout devînt blanc. Sans bruit. Rien. Juste ses yeux. Bleus. Ses yeux bleus. Et sa langue. Et son dos si lisse. Cris. Plusieurs cris. Tellement fort. Tellement chaud. Assourdissant.

Puis nous nous écroulâmes. Mon âme était parti se réfugier dans son coeur. Elle était belle. Si lisse. Et mouillée. Le sourire d'un ange.

Elle revînt sur moi, et m'embrassa en souriant, avant de me tuer à nouveau.

Été 2009

Si vous le permettez, déconnectons quelques instants de mon univers faussement poétique. J'aimerais vous parler de quelque chose de sérieux. Enfin, je crois. Il s'agit de mon premier court-métrage.

J'aimerais donc vous annoncer que mon premier court-métrage sera à l'affiche cet été, pour un soir, et que j'y inviterai toutes les personnes importantes dans ma vie. Je veux vous dire tout cela pour m'obliger à ne pas reculer devant ce projet qui m'apparaît parfois insurmontable.

Cependant, je ferai tout et j'y mettrai tous les efforts possibles et imaginables pour faire aboutir ce film, qui sera d'une dizaine de minutes, dont j'aurai signé le scénario et la réalisation.

Sans vous en faire un synopsis ou un résumé, je peux simplement vous dire que le thème sera le sexe. Oui. Le sexe. Je trouve ce sujet absolument fascinant, dû en grande partie à la joie que j'éprouve en regardant le malaise vécu par plusieurs personnes à la vue d'images perverses. Mais soyez rassuré chers fans, mes images ne seront pas gratuites ni sexuellement explicite. Je ne pourrais me permettre de me faire ce genre de réputation, allons donc!

lundi 3 novembre 2008

Karma

Sans soupirer, elle me fixe.
Elle me lance du bleu, du blanc.
Sa main développe mon coeur.

Elle prend son temps pour s'asseoir.
Elle prend bien son temps.
Chaque seconde ralentit.

Elle me parle enfin, sans mot.
Puis le fleuve coule dans les espoirs forgés par le temps.
Le rouge éclaire la pièce jusqu'en dessous du témoin.
La vague de fond remplit les veines du nord,
Elle assomme le rempart, le brise.

La mélodie empiète sur le silence.
Le noir devient flou, les bleus se rapprochent, le rouge éclate.
Les sons deviennent sourds, les couleurs deviennent aveugles.
Le début revient, et tout s'efface.

samedi 1 novembre 2008

Étourdi

Être étourdi.

Être dans le paroxysme sans rien pouvoir dire.
Ne jamais trembler et ne jamais laisser paraître.

En surface et du plus profond de son coeur, cacher.
En s'endormant, le plafond brille et le bruit enveloppe,
la chaleur calme faussement, le sourire fait sourire,
la peur du changement brise le réel, le refus s'empare.

L'aurore du matin surprend, puis prend tout son sens.
La vérité sort des pupilles de l'inconnue, la plus connue d'entre tous.

Éloigner le manque et le vrai,
Cacher la paresse du malheureux,
Ouvrir la seule porte entrouverte, la plus lourde,
Et fracasser l'inconnue, et la perdre, pour toujours.

mercredi 8 octobre 2008

Être avec la fille de sa vie,

Être avec la fille de ses rêves.

Différent.

L'un dure beaucoup plus longtemps.

mercredi 10 septembre 2008

Demain

Vivre avec ses tripes.
Comme une musique qu'on aime qui n'arrête jamais.

'Coudre la bouche de ceux qui restent conscients.'

Tuer tout ce qui est sur notre route.
Anéantir le doute. Ne faire vivre que le pur, le blanc.

Articuler la mélodie pour qu'elle colle à notre ventre.
Défendre les larmes qui coulent de haut.
Écrire les romans du futur.
Brouiller les pistes.
Puis mourir.

jeudi 28 août 2008

Useful

Autant dire que ça vaut pas la peine.
Quand la procrastination devient votre mode de vie, votre ligne de pensée, ça vaut plus la peine.

Faire cela pour ça. Accomplir ceci pour pouvoir arriver à ça.
Faire quelque chose tout simplement pour le faire; est-ce que ça arrive souvent? Est-ce que vous vous dites, lorsque vous accomplissez quelque chose, que vous le faites seulement pour le faire, seulement pour avoir la joie de faire cette chose, dans le seul but d'en jouir? Non. Impossible.

C'est tout simplement impossible.
On fait tous quelques choses pour d'autres quelques choses.

L'amour par exemple. On aime pour être heureux. On aime pour ne pas se sentir seul. On aime pour avoir confiance en soi. On aime pour baiser. On aime pour s'engueuler. On aime pour jouir. On aime pour bien paraître. Et on aime pour ne pas trop penser aux problèmes.

Qui aime pour aimer? Personne.

Personne, mis à part ceux qui s'aiment pour vrai. Ceux-là, ils s'aiment, pour s'aimer. Ce sont des âmes soeurs.

Des âmes soeurs, ce sont deux personnes qui sont authentiques l'un envers l'autre de la façon la plus extrême qui soit. Ils ne peuvent qu'être eux, sans faire semblant, et ils se connaissent sans se connaître.

Est-ce que ça existe? Non. Trouver son âme soeur, ça tient du miracle. On tend vers. C'est tout. Mais on peut se permettre d'arrondir.

lundi 18 août 2008

Mon blog

Vous conviendrai chers amis qu'il n'a pas plus inutile et prétentieux qu'un 'blog'. Qui peut se vanter d'avoir quelque chose à raconter, d'avoir une vie meilleure et plus intéressante que la masse? Qui peut bien penser que ses histoires, toutes aussi idiotes les unes que les autres, peuvent bien intéresser quelqu'un?

Intéresser quelqu'un au point de l'émouvoir. De faire s'arrêter cette personne quelques secondes, puis quelques minutes, puis qu'elle connecte avec vous l'espace d'un instant. Que cette personne pense les mêmes choses que vous, alors que vous écriviez les mots qui vous sortaient tous droits du coeur. Les mots que vous avez eu tant de mal à écrire, et que vous avez tant relus pour être sûr de les avoir dits de la bonne manière et dans le bon ordre.

Que cette personne soit émue par ce que vous dites, et qu'elle est enfin trouvé une personne qui pense comme elle, aux mêmes choses, et de la même manière. Qu'elle soit charmée, conquise, et surtout, intéressée. Intéressée par cet esprit, pour le moment complètement abstrait, qui la fascine et qui l'obsède complètement.

Je ne pense pas que ça existe. Et pourtant, je le fais pour cette raison, et je continue encore à écrire, n'importe quoi.

lundi 11 août 2008

Le mollusque gastropode

Même si j'avais envie de me promener sur le bord de l'eau encore quelques heures, quelque chose me disait que je devais rentrer au plus tôt. Le vent soufflait d'une façon étrange, et les vagues étaient plus foncées qu'à l'habitude. J'avais pour ainsi dire le pressentiment que quelque chose se tramait, que quelque chose grandissait. J'avais pourtant pris soin de bien prendre mes médicaments avant de partir pour cette marche, qui allait ma foi de mal en pis.

J'avais tout d'abord malencontreusement marché sur un escargot qui, après avoir été bousculé, m'a fait la moue durant de longues minutes. Ce n'est qu'après plusieurs tentatives que j'ai finalement réussi à me faire pardonner. Malgré tout, ce damné escargot s'est en allé avertir toute sa colonie, brisant du même coup la relation privilégiée que j'avais bâtie et que j'entretenais avec eux depuis des années.

Je fus ensuite surpris par une bande de vandales. S'ils avaient été empilés les uns sur les autres, ils auraient été assez nombreux pour former une très grande pyramide. Toujours est-il qu'ils se sont mis à me lancer du sable de manière à former une gigantesque tempête, aveuglant et tuant plusieurs personnes dans les environs. M'étant caché dans un trou, je sortis pour m'apercevoir qu'ils avaient tous péri dans la tempête qu'ils avaient eux-mêmes créée. L'ironie du sort me surpris quelques secondes, avant de finalement m'ennuyer au plus haut point.

J'avais toujours pensé qu'à un moment dans ma vie, j'aurais besoin d'un couteau. Et ce qui m'est arrivé ensuite m'a convaincu que mes suppositions antérieures étaient exactes. En effet, à peine avais-je terminer d'enterrer les derniers corps de ces bandits qu'un ours, de la hauteur d'au moins la plus grande tour que j'avais vue dans ma vie, était devant moi, à me regarder d'un air qui ferait tomber raide mort le plus courageux des courageux. Je le regardai dans les yeux pendant un long moment, avant de m'endormir. Puis je me réveillai, et je le regardai encore pendant un long moment. Je fus surpris de voir qu'il me dévisageait, immobile, comme s'il cherchait quelque chose. Puis, enfin, je sortis mon couteau. Ce geste fût non sans douleur puisque je l'avais caché à l'intérieur de ma cuisse, et le retirer fût davantage pénible que je le prévoyais. Toujours est-il que l'ours se mit alors en boule, avant d'éclater en sanglots. Même si je lui promis que ce couteau ne servait qu'à me couper moi-même, il n'arrêta pas pour autant de sanglotter. J'allai m'asseoir près de lui, et il se blottit alors dans le creux de mes reins, avant de s'endormir profondément. Après quelques heures, je le réveillai pour qu'il enlève les griffes de ma peau qui commençait sérieusement à me blesser, puis je partis.



à suivre...

mercredi 6 août 2008

Harold

J’avais à peine eu le temps de redescendre de l’échelle que ma femme m’agrippait déjà par la ceinture pour m’obliger à installer le nouvel appareil minceur qu’elle s’était acheté par téléphone, fabriqué et expédié directement d’une usine utilisant les dernières technologies en matière de santé et de conditionnement physique. En effet, l'usine avait été complètement rénovée et mise à neuf après le terrible incendie qui avait tué tous les travailleurs présents, la plupart vivant dans le nord de la ville d’Aurangabad, en Inde.

Je me souviens encore lorsqu’elle était au téléphone en train de se faire convaincre que cet appareil était fabriqué exclusivement pour son genre de problème. Enfin, c’est ce que j’ai supposé, même si elle ne semblait pas comprendre un traitre mot de ce que le vendeur lui disait, feuilletant son dictionnaire allemand-français tout en tenant le combiné avec son épaule.

Après quelques jours de travail, je finis de niveler le terrain et d’installer les dernières charpentes de son exerciseur. Je l’entendis alors, de la cuisine, parler au téléphone avec un bel homme, dans la quarantaine, grand et bien membré. Elle riait aux éclats et murmurait des mots dans un allemand ma foi fort respectable. Après avoir ramassé tous les morceaux de plafond trainant autour de l’appareil, je sortis prendre l’air.

Je revins le lendemain matin, sans soulier et sans chemise. Ma femme était sur le balcon, entourée de quelques personnes dont je ne connaissais pas le nom. La plupart des gens présents avaient l’air gentil, à l’exception de peut-être un ou deux. Je décidai de les accueillir comme il se doit en m’agenouillant devant eux, encore un peu flou à cause de la veille. Mes genoux craquèrent si fort qu'ils se retournèrent tous vers moi, essayant tant bien que mal de m’apercevoir à travers les arbustes qu’il y avait devant ce fossé. Deux personnes qui ne ressemblaient pas du tout à des membres de ma famille ou à celle de ma douce vinrent me chercher, essayant de ne pas s’agenouiller eux aussi, de peur de trop se salir.

Ma très chère fleur du printemps vint près de moi pour s’assurer que j’allais bien, criant et répétant qu’elle avait eu très peur de me perdre à jamais, et que je ne lui avait pas laissé assez d’argent pour les différents solliciteurs qui passaient durant la journée. En tentant de m’aider à me relever, elle fit glisser mon portefeuille hors de mon pantalon avant de le ramasser de justesse évitant ainsi qu’il tombe dans la boue. Son pied glissa ensuite sur l’asphalte et vint s’arrêter directement en haut de mes deux cuisses.

Quelques années plus tard, je fus pris d’une peine sans nom lorsqu’on m’annonça la mort de ma tendre biche. Elle vivait depuis trois ans dans une petite ville au nord de l’Allemagne et elle avait péri dans un accident de train, tuant du même coup mes pauvres enfants, le petit Emmerich et la mignonne Griselda. Même si je savais qu’elle m’aimait encore, j’aurais aimé la voir une dernière fois pour lui dire qu’elle était bel et bien la femme de ma vie. J’avais été un peu dur avec elle, et je me sentais coupable. Je pris donc un billet de train en direction de Pékin. Durant le trajet, j’allai porter une bouteille de whisky bon marché au chauffeur en le suppliant de faire dérailler le train dans le but de rendre hommage à ma femme.

Quelques semaines plus tard, comme cela avait été convenu, on m’emmena devant un grand monsieur qui n’arrêtait pas de me demander de jurer, ce à quoi je répondais que je ne jurais jamais, de peur d’aller en enfer. Ayant promis d’essayer de dire toute la vérité, je fus libéré sur parole.

Depuis ce jour, je fuis le bloc communiste et ses pays baltes, cette terre hostile qui m’a pris ma femme et mes enfants.

samedi 26 juillet 2008

What

Les regards qui tuent, dégoûtés.
L’indifférence qui rend malade.
L’ambiguïté, qui en réalité n’en est pas une.
La compassion, à quoi on ne voudrait pas avoir à faire.

jeudi 24 juillet 2008

Fleur

De pouvoir toucher une fleur, douce, moite,
De rêver dans ses yeux vides, pleins,
De pouvoir faire semblant d’être qui on est,
De nommer les choses par des poèmes,
De faire comme si on n’allait jamais se lever,
D’attendre le soleil comme on espère la mort,
De respirer la peau gonflée de joie,
De goûter le dernier souffle du spasme,
De promener sa langue sur le bouton de rose.

De monter, gravir, et se soulever,
Et de ne jamais plus redescendre,
En regardant, immobile, pour l’éternité.

D’imaginer qu’il y en a une, seule,
Qui s’arrête, quelques secondes.
Mais elle n’a pas le temps.
Trop douce, trop belle, trop loin.
Beaucoup trop douce.

Les Lèvres

Les lèvres nous aspirent le corps
Aussi amères qu’un songe sans rêve
Prêtes à tout prendre et à tout laisser
Elles persistent, sans pitié et sans remord

Sadiques et froides, chaudes et charnelles
Elles peignent le satin de leur robe
Laissant l’œuvre inachevée et morte
Sur le seuil du malheur et du regret

Dans un grand tourbillon de cendre
Elles jaillissent du haut de l’enfer
Prêtes à nous arracher les yeux
Elles sombrent au fond du ciel

Elles demandent sans cesse leur chemin
En rêvant de leur toile multicolore
Et au milieu du désert elles se perdent
Tuant celui qui les a goutées

mardi 22 juillet 2008

Les yeux fermés

Un grand sourire lui transperce le visage. Les oreilles à l’écoute, et les yeux fermés, il prend une grande respiration, et tombe. Étendu sur le sol, il sourit bêtement aux nuages.

Il pense aux froids hivers du vieux continent, où il neige sans relâche, et où il vente comme au dessus de la mer, la nuit. Il n’y a jamais de pause, et il n’y a surtout pas de moment où l’on peut se cacher, se couvrir, ou même seulement penser que c’est un rêve. Sans répit, on se bat du mieux que l’on peut, mais la neige continue de tomber et elle emprisonne nos poignets dans la glace. Elle gèle les alvéoles, brise les valves, et mélange les circonvolutions. Toute forme de volonté et de courage s’efface, et notre corps devient l’esclave du temps, qui ralentit sans cesse. Chaque fois que l’on nage vers le rivage, on est repoussé encore plus loin, et la mer s’agrandit, et l’océan se creuse. Les cimes noires et blanches jouent avec notre corps et le mutile, et le ressac devient si assourdissant qu’il tue la plupart des oiseaux venus nous aider.

Il respire à nouveau. Il ne sent plus ses membres. Sa tête diffuse les images noires de sa vie à répétition, et elle le brûle. Sa chair noircie, puis sous la chaleur intense, calcine, et devient de la cendre moite et grise. Ses os se brisent puis deviennent poreux, et éclatent, perforant ses yeux et son sourire encore intactes.

Il pense aux malheurs de l’automne, revenant chaque année et se resserant davantage, comme un barbelé enroulé autour de sa poitrine et de ses cuisses. Lorsque la feuille tombe, l’arbre se brise en tombant de tout son haut, entraînant les racines à la lumière. Comme un oiseau malade sur qui l’on met de nouvelles ailes, elles se réveillent de leur long périple, et elles prennent leur envol dans la terre à la recherche d’une nouvelle vie, d’un nouveau but. Mais bien vite, elles se rendent compte que leurs cœurs ont été coupés en deux, et qu’elles ne peuvent survivre. Ayant accepté leur sort, elles se tournent vers le soleil, et meurent desséchées.

Il prend son couteau comme on prend une arme. La lame semble dessiner une forme arrondie dans l’air. Elle chante le dernier souffle d’un ange avant de mourir, sur le point de tomber des cieux, inconscient devant la mort et devant sa propre vie, hypnotisé devant ce grand escalier majestueux qui descend à la vitesse de la lumière.

La mort glisse sur le métal rouillé.

La lame accélère son mouvement, devenant plus rapide que sa propre vie, dépassant son rythme cardiaque et le clignotement de ses pupilles. Elle respire à sa place, elle vit à sa place. Elle prend tout ce qu’il lui reste, toutes les émotions réchappées, toutes les joies et les peines sauvées de l’oubli. Elle les prend une à une et elle les noie. Il ne lui reste alors plus rien, excepté sa propre mort, son dernier souffle. Elle le lui laisse pour qu’il ne l’oublie jamais, même dans les hauteurs de l’enfer.